Amour de la Forêt
Premier berceau, la forêt nous sera ultime demeure.
En fouillant l’humus de nos couches dermiques, c’est elle que nous rencontrerons.
La forêt, nous la portons dans la peau.
Parchemins de nos visages-clairières,
hallier profond de nos nerfs( j’allais dire de nos cerfs) et nos veines,
taillis de nos pilosités
et les os de nos quatre membres, branches et piliers d’un tronc d’Arbre de vie.
Oui la forêt gîte dans l’anse de nos bras lacés, balancés entre souffle et sève.
Cogne à nos tempes la rumeur de ces gémissements de vent.
Craquements d’aube, d’aubier et de crépuscule disent le drame des nasses d’air ruisselantes de froid et de chaud.
Nous ne nous connaissons pas forêt et pourtant le sommes à perte de vue dans nos entrailles lointaines et proches.
Et la danse.
Nous faisons danse avec les arbres en les prenant par la taille, échelles appuyées au plus haut rêve de l’enfance.
Les arbres nous rêvent et nous dansent et nous marchons à la verticale de leur élan.
L’immobilité, sagesse d’eux seuls, quand tout n’est que spirale.
Chaque arbre pousse une porte secrète vers le moyeu du monde.
La traversée de l’aubier est notre affaire d’amour.
Encore écorce est le velours du nu,
mousses les douceurs de la mue et nos draps de chanson verte…
Chanson de l’échanson qui verse le flux de sève dans la coupe tournée du sorbier des oiseleurs.
Chanson de l’échanson quand la pluie dégoutte de feuille en feuille, de perle en perle à la fine pointe d’un cœur trempé de verre.
Chanson de l’échanson dans les craquements du ciel et ceux de la terre plus discrets comme une gaufrette sous la dent.
Chanson du givre, cristal des clairières, le mystère d’un nemeton…
Ecureuil, vermisseau, chacun fouille la carcasse des étoiles éteintes sous le couvert des futaies.
La lune ira dansante puis à minuit perdra ses pantoufles de vair.
Grossir d’année en année jusqu’aux débords des millénaires,
arbres géants, séquoias titans, points perdus, ponts entre les mondes, arborescence des figures constellées .
Au centre de la galaxie qui tourne, un arbre agrippé par les racines à la chevelure de Bérénice.
Frères géants, sœurs, soyez nos tuteurs d’élévation solaire et nos initiateurs de nuit.
Pardonnez-nous l’offense d’un seul clou, de vous avoir mis en croix, vous hérauts du Vivant. Pardonnez-nous d’adorer les croix sèches plutôt que la résurrection feuillue de vos printemps. Pardonnez-nous de ne pas rendre hommage à vos flammes à chaque jetée de bûche
dans l’âtre.
Vous êtes par ces flammes cachées dans vos vêtements sacerdotaux, le soleil par terre.
Un peu de Christ en nous. Quorum de vingt-quatre vieillards pour énoncer des sentences d’Apocalypse.
Arbre seul ne sera forêt qu’en silo de cent ans de solitude.
La solitude des arbres saigne généalogie de l’être.